Il s’agit d’une loi passée fin 2014[1] et destinée à simplifier la vie du consommateur dans son geste de tri. L’idée part d’un bon sentiment. Mais est-ce que quelqu’un s’est donné la peine de lui expliquer, au consommateur, ce qui signifiait ce logo ? Il ne me semble pas. A moins que je ne vive dans ma bulle depuis décembre 2014…
Donc le Triman… qu’est-ce que c’est ?
Visuellement, c’est ça :
C’est un petit logo en noir et blanc, présentant un bonhomme et 3 flèches. Le bonhomme au centre, c’est vous, consommateur. Et les flèches symbolisent des filières de recyclage ! Il faut savoir que la France est la reine des filières de recyclage, puisqu’elle est le pays au monde où il y en a le plus. Sic !
Le petit nom de ce logo, c’est donc « Triman », mais officiellement, il s’agit de la « signalétique commune des produits recyclables qui relèvent d’une consigne de tri ». En français, ça veut dire quoi concrètement ?
Qui dit « consigne de tri » dit… tri ! Une consigne de tri est une règle à suivre pour bien séparer ses déchets : certains déchets iront dans une poubelle de tri, d’autres dans telle poubelle d’ordures, et d’autres dans tel centre de tri ou bac de collecte. Certains produits seront ainsi recyclés, et d’autres finiront en usines d’incinération.
Ensuite, on parle de « produits recyclables », car seuls les produits recyclables sont concernés par ce logo. Si un produit n’est pas recyclable, il n’y aura pas de logo.
Enfin, qu’est-ce qu’une « signalétique commune » ? C’est une communication, ici sous forme de logo, qui doit être commune à tous les produits concernés par le décret. Comprendre : si le logo Triman apparaît sur un produit, cela signifie qu’il est recyclable, et qu’il faudra le trier correctement ( = le mettre dans un bac de collecte adéquate) pour qu’il soit recyclé. Ça ne veut rien dire de plus ou de moins. Et c’est déjà beaucoup ! Car en effet, à ce jour, AUCUN logo n’est commun à TOUS les produits recyclables. Tous ? Hum hum… pas tout à fait ! C’eut été trop simple. Les piles, les produits électriques et électroniques, les produits chimiques dangereux et les emballages en verre ne sont pas concernés. Il reste quoi alors ? Les emballages (sauf ceux en verre), les papiers, les textiles, les meubles et les pneumatiques : ces produits-là pourront être dotés d’un logo Triman s’ils sont recyclables. J’adore le concept d’un logo unique qui ne l’est pas. « Simplifier la vie du consommateur » disions-nous ?
Bref, en théorie, avec ce logo, le consommateur saura : si le logo Triman est présent sur un produit, c’est que ce dernier est recyclable… et qu’il doit le trier ! Ce que le logo ne dit pas, c’est quoi faire du produit, où le trier, où le déposer en somme. Alors pour les emballages, c’est facile (si si… je vous assure), nous avons de poubelles de tri à domicile si nous avons la chance de faire partie d’une commune qui met à disposition des bacs de tri. Mais là encore, attention aux erreurs… les consignes de tri sont spécifiques (il y aura un article spécifique à ce sujet). Eco-Emballages et Adelphe se sont lancés dans un projet de logo spécifique (qui fait concurrence au Triman… belle guerre de chapelle), mais leur communication est plutôt efficace, j’en conviens. Pour les autres produits, à part être un expert, il y a de quoi se faire des nœuds au cerveau. Vous pouvez vous référer au site communautaire suivant qui répertorie les points de collecte par type de déchets : http://ourecycler.fr/. Vous pouvez aussi tout déposer en déchetterie ; eux, ils sauront ! Si vous habitez un logement d’au moins 125m² et que vous pouvez entreposer vos déchets, vous pouvez aussi attendre que je poste un article à ce sujet…
Là où je rigole doucement, c’est que la pression des lobbyings ( = les industriels et les éco-organismes) fut telle qu’ils ont obtenu que le logo soit… dématérialisé ! Les industriels n’ont donc pas d’obligation d’apposer le Triman sur les produits eux-mêmes. Il peut être mentionné sur une notice d’utilisation, ou… sur un site web ! Super pratique quand on est devant sa poubelle de tri…
Pour les industriels, l’apposition d’un tel logo peut en effet être lourde de conséquence, je le concède. Pour avoir géré des changements de charte de graphique et des ajouts de logos, je reconnais que ce n’est pas « rien ». Sans parler des gammes de produits internationales : c’est à s’arracher les cheveux. Comment harmoniser les emballages et en même temps gérer une série de pictos spécifiques à chaque pays de distribution à l’heure de la mondialisation ? Ca, oui, c’est un vrai problème. Mais il y a aussi une bonne dose de mauvaise volonté. Et de manque d’intérêt. Car concrètement, ce logo ne fera pas plus ou moindre vendre, d’autant plus (j’ai gardé le meilleur pour la fin) que le décret ne prévoit aucune sanction financière en cas de non apposition du dit-logo. Au pire, il est possible de recevoir une sanction administrative. Fichtre…
Ce qu’il faudrait, à mon sens, dans le cas des emballages, c’est d’abord que ce logo devienne européen, et ensuite remplacer le logo green dot qui ne parle absolument à aucun consommateur, voire l’induit en erreur, et le remplacer par ce logo Triman quand il s’agit d’un produit recyclable. J’entends déjà hurler les éco-organismes concernés « Oui mais le logo green dot, c’est la marque de l’accord entre l’industriel et son éco-organisme » (il y aura un article là-dessus, je vous sens frémir). Certes. Mais honnêtement, le consommateur : il s’en fout royalement. Personne ne le lui a expliqué. Alors tant qu’à faire d’avoir UN logo concernant le pack, autant qu’il soit compris par les consommateurs, puisque c’est à eux qu’est censé s’adresser le message.
En conclusion, ce qui, à l’origine, devait être un logo destiné à simplifier la vie du consommateur et à augmenter le taux de tri et donc de valorisation des produits recyclés risque de devenir, comme tant d’autres logos, une nébuleuse réglementaire que seule une poignée de fanatiques comme moi comprendront.
Dommage…
[1] Décret n° 2014-1577 du 23 décembre 2014 relatif à la signalétique commune des produits recyclables qui relèvent d’une consigne de tri